The Belgians Remember Them ligne

Cénotaphe de Londres: L'Hommage de la Belgique



Après la guerre

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Marcel Chantemilant, en 1950

Mon père a repris son travail de maçon, le travail ne manque pas, tout est à reconstruire. Il me prend avec lui pour travailler. Ainsi, il me prodigue la formation d’un métier pour lequel, il y a toujours du travail. Je corresponds avec Ernest Plettinckx, en lui donnant des nouvelles d’ici. Un jour, en 1946, je décide de retourner lui rendre visite. Je prends le train et arrive à la gare du Midi, à Bruxelles. Mais sur le quai, je ne sais vraiment pas où se trouve Bierghes, par rapport à Bruxelles. En demandant et en regardant les horaires de trains, je monte dans celui qui m’emmène à Saintes. De là je demande à un fermier qui travaille dans son champ où se trouve Wisbecq. Il s’appelle Roger Picot, et me dit tout de suite : « t’es pas Marcel, le français du charron ? ». Il me conduit chez mes amis, où je suis accueilli chaleureusement. Je reste chez eux pendant 8 jours. Il faut que je rentre en Normandie, mon père m’attend, le travail également.

Une année après cette escapade, je reçois une invitation au mariage de la fille d’Ernest Plettinckx qui sera célébré le 24 septembre 1947. Je décide de m’y rendre. Je retrouve mes amis belges avec plaisir et participe à la noce. C’est à cette occasion que je rencontre la nièce de mon hôte, elle s’appelle Liliane Duquesne. Elle deviendra mon épouse. Le temps de préparer les formalités en vue du mariage et de mon installation en Belgique, où je souhaite vivre dorénavant, et nous sommes en 1950. Notre mariage se fait le même jour où le Roi Léopold III décide d’abdiquer en faveur de son fils, Baudouin. J’ai trouvé un emploi de maçon aux carrières de Quenast, mais rapidement, je remarque que le travail que je fais n’est pas à la hauteur de mes espérances. Je m’engage auprès d’un entrepreneur de Tubize, Monsieur Demoulin. Pendant huit ans, je travaille dur, il y a beaucoup de travail. Ma spécialité est la maçonnerie de moellons de pierre. En Normandie, on construit plus avec ce matériau qu’avec des briques. Je me retrouve à faire du travail supplémentaire, après mes heures. De fil en aiguille, j’en arrive à penser que je pourrais être mon propre patron, et c’est donc la décision que je prends, un jour, après huit années passées auprès de Monsieur Demoulin, qui, au passage, m’encourage de poursuivre dans cette voie, bien qu’il regrette de perdre un ouvrier en qui il avait confiance. Je monte ma petite entreprise, en commençant à travailler seul. Pendant des années, je construirai au moins deux cents maisons, j’emploierai jusque cinq ouvriers. En 1988, après toutes ces années de labeur, il est temps de penser à la retraite. Depuis, le temps a passé, j’ai atteint l’âge de 86 ans.

EPILOGUE

En cette année du septantième anniversaire du débarquement des forces alliées en Normandie, je repense à cette époque qui fut pour beaucoup de mes compatriotes français et belges une tragédie. Je pense au sacrifice consenti par les soldats américains, britanniques, canadiens pour nous délivrer de l’oppression des nazis. Je pense aussi à cet élan de générosité et d’amitié qui habitait le cœur des hommes et des femmes enfin libérés. Je pense à ce chemin parcouru et suis heureux d’avoir eu l’occasion de m’établir à Rebecq, où je suis chez moi, dans ma deuxième patrie, où j’ai quand-même vécu quatre fois plus longtemps que dans mon village natal.
J’y retourne régulièrement, retrouver ma sœur Denise, ainsi que mes amis Désiré Lemaître, André Leblanc et Georges Marie, avec qui j’ai passé mon enfance et ma jeunesse et qui ont également vécu la tragédie de cette guerre de quatre années ainsi que l’espoir et la joie de la libération.
Ils sont encore deux en vie. C’est vrai, il y a quand-même septante ans que tout cela est arrivé !  

Rebecq, le 4 septembre 2014

Marcel Chantemilant

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Marcel Chantemilant, en compagnie du Comte d’Oultremont, représentant la Royal British Legion et de Guy De Braeckeleer, Président de l’Association du Mémorial de Rebecq, le 28 mai 2014, aux cérémonies du 70e anniversaire du crash de Rebecq.

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Lorsque Marcel Chantemilant nous livre son récit...

Marcel Chantemilant est membre d’Honneur de l’Association du Mémorial de Rebecq, dont les objectifs sont de maintenir vivace la mémoire des victimes civiles et militaire du crash de l’avion Lancaster JA712-BQ-H qui est survenu le 28 mai 1944, ainsi que celle de tous ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, œuvré à la paix et le liberté.

Les membres de l’A.M.R. ont souhaité que le témoignage de son doyen soit écrit et qu’il puisse, en cela, servir à l’Histoire.