The Belgians Remember Them ligne

Cénotaphe de Londres: L'Hommage de la Belgique



Pendant l'occupation

Les envahisseurs s’approchent de plus en plus de la Normandie. Ils sont déjà dans tous les territoires situés plus au Nord. La Belgique, la Hollande, le Luxembourg ainsi que les départements sis au Nord de la Loire sont déjà occupés. Le 18 mai, les Allemands entrent en Normandie et installent leur domination jusque dans les villages les plus reculés du bocage.

Le premier « boche » que la famille Chantemilant aperçoit est un motocycliste qui arrive chez leurs voisins, les Prestavoine, à qui il ordonne de préparer sur-le-champ, une omelette de 18 œufs omelette de 18 œufs! C’est l’avant-garde d’un peloton de soldats qui s’amènent à vélo. Afin de s’épargner de pédaler, ils se font tirer par un véhicule auquel ils ont accroché des cordes grâce auxquelles, ils se font tracter à 6 ou 7, de chaque côté du véhicule tracteur. Toute le troupe s’engouffre dans la maison des Prestavoine pour se nourrir. C’est la première réquisition que subissent les habitants de Saint-Amand; bien d’autres arriveront, pendant les quatre années suivantes.

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Les chevaux sont réquisitionnés et expédiés en Allemagne. Les pays occupés subissent tous ce vol à grande échelle (Photo: Bundes Archiv)

Emile Chantemilant est fait prisonnier, en même temps que ses compagnons. Les Allemands décident de les ramener à Saint-Lô ; le commandant de la garnison allemande se souvenait avoir été bien soigné, en 1914, lors du premier conflit mondial, par des Français d’origine normande et fait un « cadeau » aux prisonniers français, en particulier, à Emile Chantemilant. Sous escorte allemande, les militaires français se rendent à pied de Cherbourg à Saint-Lô, où ils sont détenus, en attendant que les envahisseurs statuent sur leur sort. Emile ne se retrouve pas trop éloigné de sa famille qui peut venir lui rendre visite. Au cours d’une de celles-ci, il demande à son épouse de lui faire parvenir une bouteille de vin blanc. Il ne supporte pas ce breuvage, qui lui donne des palpitations et le rend malade. Une fois qu’il a sa bouteille, il la boit et la suite est bien simple : il est dans un tel état que le médecin allemand lui ordonne de retourner chez lui et de se présenter une fois par mois à la Kommandantur. Ainsi, la famille se retrouve réunie. En se rendant un jour à la Kommandantur, comme cela lui avait été prescrit, il remarque que les personnes qui y entrent n’en ressortent plus. Il décide de retourner chez lui. Bien lui en a pris, les hommes ont été arrêtés et désignés pour aller en Allemagne, soit en tant que prisonniers de guerre, soit pour le travail obligatoire. Le 18 juin, Marcel et les siens, à l’instar de nombreux Français, écoute la TSF. C’est ce jour-là qu’il entend pour la première fois le Général de Gaule qui prononce son fameux « Appel » à résister.

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L’appel du 18 juin 1940 (Photo: Arch. BBC) - Les anciens se souviennent des tickets de rationnement! (Photo, Wikipédia)

« Encore maintenant, 74 ans après, je garde cette sensation d’espoir que chacun d’entre nous a ressentie, à l’écoute de celui qui allait conduire la France vers la victoire », dit Marcel Chantemilant.

Jour après jour, il nous faut trouver le moyen de vivre, voire survivre, plus le temps passe. En arrivant chez nous, les occupants ont directement procédé à installer leur administration dont la caractéristique essentielle est la réquisition et les restrictions de toute nature. S’il est relativement plus aisé de trouver de quoi se nourrir dans les campagnes, en ville, il en est tout autrement. Les contrôles sont drastiques, les peines très sévères, au cas où on se fait prendre avec des denrées alimentaires. Le manque des denrées essentielles commence bien vite à se faire sentir, les allemands réquisitionnent tout, aux Français à se débrouiller. C’est ce à quoi nous nous employons dès le début de la guerre. Chaque occasion est bonne pour assurer la pitance quotidienne, trouver le moyen de se chauffer ; tout manque, donc tout devient précieux.

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Affiche-conseil de l’époque (BNF) - Pendant 4 ans, ce sera la pénurie...

Les occupants ont installé une maréchalerie sous le préau de notre école. Outre la forge et les outils, il y a une quantité impressionnante de fers à cheval, de clous à ferrer. Le matériel étant devenu introuvable, mon grand-père qui est également maréchal-ferrant, met « de côté » plusieurs pièces afin d’aider les cultivateurs qui ont un besoin urgent de ferrer leurs chevaux de trait. Les Allemands s’aperçoivent de la disparition du matériel et organisent une fouille en règle dans tout l’établissement. Heureusement, l’instituteur, Monsieur Noël, avait eu la présence d’esprit de déverser les fers et les clous qui avaient été écartés du stock dans le poêle de sa classe. Les Allemands n’ont pas l’idée d’y regarder, quelle chance! L’affaire en reste là.

Une autre fois, vers 1943, j’ai eu l’occasion de trouver plus d’une centaine de kilos de boulets de charbon que les Allemands utilisaient pour leur cuisine, qu’ils avaient installée sous le préau de l’école des filles, de l’autre côté de la rue. Lorsqu’ils déménagent leur roulante, je me rends là où ils stockaient le charbon. Il y a un grand tas de poussière de boulets, dans lequel j’ai la chance de retrouver de quoi nous chauffer, à la maison, pendant quelques jours. Circuler est aussi un problème pour beaucoup d’entre nous. Il est rapidement devenu interdit de se rendre où l’on veut, surtout vers la côte, où l’occupant va construire les ouvrages de défense du Mur de l’Atlantique.

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Carte des zones interdites aux Français, publiée pas l’occupant, le 20 octobre 1941 (Photo: www.Eklablog.com)

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Placard interdisant la circulation, un barrage allemand sur la ligne de démarcation.

Depuis février 1942, je travaille avec mon père, qui m’apprend le métier de maçon. J’ai commencé donc à 13 ans ; le débarquement interrompt les activités de mon père, et par conséquent, mon emploi. Durant ces quatre années, la vie sera pour moi l’apprentissage de mon métier, celui de la débrouillardise. Ce sera également pour moi une école de la vie, avec pour exemple, mes parents et mes proches, qui montreront courage et ténacité à affronter dignement, pendant cette époque, la disette, la crainte perpétuelle de se faire arrêter pour une raison ou une autre, les tragédies qui toucheront tant de nos compatriotes.

De mois en mois, la situation évolue sensiblement, de manière défavorable pour les Nazis, qui prennent de solides raclées sur le front de l’Est. Bien que nous ne sommes pas au courant de ce qui se passe exactement, on commence, vers 1943, à deviner que tout n’est pas rose pour eux. La résistance les empêche d’ancrer aisément leur pouvoir et leur hégémonie dans les territoires occupés. Je me souviens, qu’un matin tôt de la fin 1943, (il faisait encore nuit), en allant travailler, je trouve un jerrycan allemand rempli d’essence abandonné sur le bas-côté de la route. Je l’ai caché dans la haie qui bordait le chemin, et le soir, en revenant à la maison, je l’ai récupéré et l’ai ramené à la maison, en l’ayant posé sur le cadre de mon vélo. J’ai parcouru les quelques kilomètres qu’il y avait entre le lieu de la découverte et la maison familiale. A postériori, je réalise avoir risqué de me faire prendre par une patrouille qui aurait pu me croiser. Heureusement, il n’en fut rien, et cette aubaine fut bienvenue, le précieux carburant valait de l’or!

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Torigni est bombardé par des Marauder US (Photos: www.overlord.com)

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Certificat de « mise en congé définitif » du prisonnier de guerre Emile Chantemilant, produit par la Kommandantur de Saint-Lô, le 28 septembre 1940 (Coll. Famille Chantemilant-Masse)

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